Comment foirer un (joli) trail en trois leçons
Forcément, à force de courir 40 lièvres à la fois, le risque c’est de ne même pas entrevoir le bout de la queue d’un seul. Des fois, comme ce samedi à Sorbiers (42) sur le Trail des Salamandres, je me dis que je ferais mieux d’arrêter mes conneries, ou ne serait-ce que calmer ma frénésie…
> LECON 1 : LA RECUPERATION TU PRIVILIGIERAS
Déjà 5 semaines sans compète depuis l’ouverture du Trail Tour National 2014 à Montanay. Quel honneur monseigneur, mes gambettes vous font de jolies courbettes en guise de remerciement. Tu parles ! Je me serais écouté il y a quelques années, j’aurais enchaîné un week-end sur deux en étant convaincu d’avoir une attitude extrêmement raisonnable. Seulement voilà, la bestiole commence à sentir insidieusement le poids des ans.
Oh non, du haut de mes 39 ans, ce n’est pas encore grand-chose. C’est beaucoup plus sournois. Juste une fatigue passagère post-compétition qui a une fâcheuse tendance à durer au minimum une bonne semaine, contre 48h maxi auparavant. Mais qu’ai-je fait pour mériter cela ?
J’ai beau me persuader que le temps n’a pas d’emprise sur moi, je dois bien reconnaître qu’en réalité, je le subis de plus en plus. Du matin au soir. Avec cette quasi-systématique frustration au moment de me coucher : purée, il m’a encore manqué 5-6 heures aujourd’hui pour faire tout ce que je prévoyais. Gargantuesque appétit ? Boulimie compulsive ? En réalité, je suis juste épicurien, animé par un frénétique besoin de profiter de tout à 200 %.
Ça, c’est pour la belle théorie. Dans les faits, plus les années passent, plus j’éprouve le besoin de dormir, alors que foncièrement, ça me fait suer de savoir que je ne profite de rien durant tout ce temps-là. Hélas, je dois bien me résoudre à reconnaître l’évidence : je ne suis ni bionique, ni superman, ni un héros des temps modernes.
Ce besoin du “repos du guerrier” m’enveloppe tout entier ces temps-ci. Le corps semble me dire : « OK mon loustic pour continuer à supporter tes conneries sportives, mais de grâce, laisse-moi le temps de me régénérer. » Alors autant l’écouter, plutôt que chercher à résister : ce n’est pas le moment de m’écrouler, j’ai besoin de fraîcheur physique et mentale pour bien travailler (eh oui, si je pouvais vivre de ma passion sportive, ça se saurait).
Règle n°1 dans une grosse période de travail comme actuellement, si je veux continuer à m’entraîner un brin sérieusement : ne plus lutter plus contre le sommeil, juste pour une histoire de fierté mal placée. Sois juste humain, espèce de bougre d’âne !
Résultat : à 48 heures de mon premier trail de 30 bornes de la saison, je n’ai rien trouvé de mieux que de bosser jusqu’à 1h30 du mat et de me lever à peine 3h30 plus tard. Quand on est couillon, autant mettre les deux pieds en même temps dans le bouillon.
> LECON 2 : LE SKI LA VEILLE DE COURSE TU EVITERAS
Et vous à 24 heures d’une course, qu’est-ce que vous faites ? Parce que j’avais promis une journée au ski aux enfants, nous avons pris la route des Bauges dès potron-minet, la veille de mon 3e rendez-vous pédestre de l’année. Et que fait en plus un crétin de mon espèce ? Il décide, une journée durant, de s’initier au snowboard avec ses deux p’tits bouts. Ça, c’est la grande classe : tout schuss dans la connerie, et pour que ce soit encore plus drôle, la tête en premier.
Bingo, j’ai gagné le gros lot. Et que s’est-il passé d’après vous ? Dès la deuxième descente (au moins du 3 % dans la vertigineuse pente !) sur l’aire réservée aux débutants, PAN sur le derrière, alors que j’étais quasiment à l’arrêt. La neige dure de printemps à 9h du mat, je vous le garantis, ça secoue méchamment le popotin. Et voilà comment j’ai passé le reste de la journée à expérimenter le douloureux “sku-board”, serrant les dents à chaque fois que la planche me passait par-dessus tête.
Je dois bien le reconnaître : pour une fois, mon fameux dicton « C’est quand ça fait du mal que ça fait du bien », je l’ai maudit… Une superbe journée pour la tête, des gamins ravis, mais mon corps tout endolori n’en menait pas large au moment de m’écrouler sur le lit. C’est malin : ta course de demain, comme c’est parti, tu n’en verras que les résultats sur Internet !
> LECON 3 : TE REVER EN CADOR TU ARRETERAS
Je vais être franc : après deux premières courses très encourageantes en janvier et février, je m’imaginais carrément monter sur le podium pour ce 3e opus pédestre. Ahhhh ils vont voir les Ligériens de quel bois on se chauffe sur les bords de Saône. Même diminué physiquement, j’y croyais comme un grand naïf à l’échauffement. Ah la belle tête stupide de vainqueur-né. Et pourquoi pas bomber le torse tant que tu y es ?
Même en entendant les noms des favoris, notamment le très véloce V2 Gilles Guichard, lauréat de la SaintéLyon et des Templiers il y a quelques années, j’y croyais dur comme fer. Après tout, lors de notre dernier rendez-vous commun en patrie stéphanoise, j’avais terminé second derrière la star locale. Ce jour-là, je n’avais pas couru que pour des pommes, mais le détail qui tue, c’est que tout ça s’est passé il y a pile dix ans. Et aujourd’hui, en prime, je me tape un bon mal de sku. Mais nan, c’est rien, t’es le plus fooooort… Espèce de lapin crétin !
La vérité, c’est que mon pare-choc arrière meurtri a été incapable de se mettre au diapason de mon envie. Aux alentours de la 15e place en haut de la première bosse, et déjà pas vraiment à l’aise, j’ai vite compris que ces 30 km et 950 D+ seraient un chemin de croix. Incapable de relancer sur le plat, et avec la sensation d’avoir un balai dans le c… en descente : quand on ne parvient même plus à être roi sur son terrain de jeu favori, autant ne pas insister. Quand tes points forts se dérobent sous tes pieds, il ne reste qu’une chose à faire : rentrer dans ta bulle et ronchonner intérieurement jusqu’à l’arrivée. Pour le plaisir, on verra l’année prochaine.
A l’arrivée, une très anecdotique 11e place sur 130 arrivants – je sais, ça aurait pu être pire –, loin de mes aspirations du jour. Plus de 20 mn me séparent du vainqueur du jour, le jeune Coq Guillaume Lacassagne à qui je rends 11 années… Y‘a des jours comme ça où mieux vaut tout oublier et se concentrer sur la priorité : une bonne dose de Flector dans le creux des reins aussitôt rentré à la maison !
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