Trail Givré Montanay : les champions… et nous les autres

Written by yesben. Posted in Comptines 2014

2014-Trail Givré Montanay 1Tonnerre de Brest ce dimanche dans le Rhône : c’était la 1ère manche du championnat de France de Trail court à Montanay, juste au-dessus de la maison. L’occasion de me frotter à l’élite française et de voir de près à quoi ressemblent ces drôles de spécimens volants. Ça tombe bien : pendant deux jours, j’en ai reçu un à la maison, épatant 3ème sous l’arche d’arrivée. Comme moi, vous vous demandez de quel métal ils sont faits ? Suivez le guide pour une plongée dans les coulisses…

> DIS, PAPA, C’EST QUOI UN CHAMPION ?

Pour mes enfants, je suis le meilleur coureur à pied au monde, forcément. Même au-delà des frontières de notre galaxie, au pays des maîtres Jedi, j’aurais pour eux droit à un dossard élite. Cela va de soi. A leur corps défendant, le fait d’avoir vu leur père ramener pas mal de breloques à la maison ces dernières années a pu les enduire d’erreur. Et pour être sincère, je m’amuse de cette couche d’admiration exagérée. Quand je ne m’en délecte pas carrément. « Mon papa, il est encore meilleur qu’une crêpe au Nutella ! » Miam !

Sauf qu’au bout d’un moment, la farce ne peut plus durer : je suis décidé, je me dois de leur avouer que les pouvoirs superpuissants présumés de leur paternel sont exagérés. Qu’importe si un mythe doit tomber : vu leur âge, je me dois d’établir la vérité. Qu’ai-je à y perdre ? Qu’ils me disent que je suis le plus super papa incroyable coureur à leurs yeux et qu’ils m’aiment de tout leur cœur ? Plus belle médaille d’or, vous connaissez ? Moi pas.

2014-Trail Givré Montanay 2Avant Noël, mon petit stratagème “Trail Givré” commençait à se dessiner. Avec la complicité d’une  étoile filante montante du trail français, le jeune montpelliérain Geoffroy Sarran, épatant lauréat de l’Hivernatrail dans le Gard en fin d’année. Un p’tit gars capable, deux ans plus tôt sur le même parcours, de s’accrocher plus de 30 km durant aux basques d’un Andy Symonds au sommet de sa forme. L’étoile du trail mondial avec Kilian Jornet, version moins montagneuse.

Un peu comme si vous vous retrouviez à la hauteur d’un Usain Bolt après 8 secondes sur la finale du 100 mètres olympique. Ça en jette, non ? 31 minutes sur 10 bornes, 1h08 sur semi, champion de cross de l’Hérault il y a quelques semaines, et une marge de progression qui a l’air énorme sur chemins escarpés : le garçon en impose tant par son talent inné que par sa simplicité (bon, y’a de l’entraînement aussi…). Il paraît même que son petit frère, chez les benjamins (12-13 ans), gagne tout ce qu’il court et est déjà capable d’aligner plusieurs kilomètres à près de 15,5 km/h de moyenne. Suivez pas mon regard : nan, nan, suis pas du tout blasé !

2014-Trail Givré Montanay 3> DIS, DESSINE-MOI TA MOBYLETTE

Dès le 8 décembre 2013, sitôt la ligne d’arrivée de l’Hivernatrail franchie, le pacte était signé avec Geoffroy. « Tope là mon gars, je t’accueille avec plaisir à la maison pour ta 1ère manche du TTN, tu me mets une mignonne “branlée” au Trail Givré – enfin pas trop, ça m’embêterait de me faire renier par mes enfants  – et on sera quitte. » Emballé-pesé-saucissonné, avec une petite idée derrière la tête : même si des années lumières nous séparent, ma pétrolette (presque 39 ans au compteur) va vendre chèrement sa peau et montrer qu’il lui reste un peu de gaz dans le moteur…

Alors, un cador, ça ressemble à quoi de près ? Qu’est-ce qui, fondamentalement, nous différencie ? Beeen… a priori pas grand-chose en auscultant la bête d’un coup d’œil rapide. Ça parle français, semble savoir se tenir à table, à l’air très enclin à parler d’autre chose que de  course à pied, n’a pas l’air obnubilé par la traque du moindre petit bout de gras dans l’assiette… Mince alors, il est où le secret ? Ah si, l’animal a quand même l’air sacrément sec, plus affûté qu’une scie sauteuse. A peine j’ose émettre cette idée à voix haute que je me  fais reprendre par ma moitié : « Dis donc, tu dois pas te regarder assez souvent dans un miroir, le coton-tige ! »

Ah, cependant, 62 kg contre 65,5 kg, pour une taille kif-kif bourricot, je ne peux m’empêcher de penser que ça peut peser lourd à l’arrivée, nonobstant les qualités intrinsèques des moteurs. Un petit Peugeot 103 de mobylette à côté d’une Ducati Monster, non, non, même pas peur !

> « YOU ARE THE CHAMPION, MY FRIIIIIEEEEEEND »

2014-Trail Givré Montanay 4Après 48 heures passées ensemble, j’y vois cependant un peu plus clair…

» Déjà, quand le bonhomme dispute une manche du Trail Tour National, il arrive sur place dès le vendredi soir (en l’occurence, avec sa dulcinée). Alors que moi, je suis capable de faire 2h30 de route le matin d’une course pour passer tout le samedi en famille. Forcément, pour le 1er ça paie, et pour le second, l’influx perdu en route SE paie, et parfois très cher.

»  Un champion, quand il mange un plat délicieux l’avant-veille d’une course, et même la veille, il se sert. Point. Moi, je me ressers. Quasi systématiquement. Quand je ne me re-ressers pas… Je croyais pourtant que « quand on aime, on ne compte pas »

» Une gazelle, la veille d’une course objectif, elle va repérer les derniers kilomètres, histoire de voir là où elle pourra placer une banderille si les jambes sont au rendez-vous. C’est exactement ce que nous avons fait samedi sous la pluie. Précision : je me suis bien entendu contenté de l’accompagner, car seul, cela ne m’aurait même pas effleuré l’esprit.

2014-Trail Givré Montanay 5Et puis quoi encore ?

» Un as des as, pendant que je m’égosille en sautant tel un marsupilami devant les J.O. d’hiver à la télé, lui il passe plus d’une heure allongé sur son lit pour une petite séance d’électrostimulation musculaire. Euuuuuh… c’est parce que t’aimes pas les Jeux Olympiques que tu t’infliges cela ?

» Un warrior de son espèce, ça court environ 7 fois par semaine, en plus du vélo, du pédalo et de l’électro-excitation des fibres de Musclor. Moi, c’est 4 à 5 quand je suis à bloc au niveau entraînement, et demandez à madame : elle vous dira que largement beaucoup trop.

» Un golgoth gladiator de la course à pied, dans l’heure qui suit l’arrivée d’une course, ça boit un drôle de machin-truc appelé “boisson de récupération”, que même lui il trouve que « ça sent vachement mauvais et ça a un gout dégueu », mais que c’est super génial pour pouvoir s’enquiller une séance dès le lendemain comme si de rien n’était. Bizarrement, moi, je me jette sur une petite bière dans le frigo : mazette que c’est divin, « le houblon c’est tellement bon pour la récupération » (tiens, joli slogan publicitaire).

2014-Trail Givré Montanay 6» Un pied aussi aérien que le sien se permet de chausser des chaussures neuves, juste étrennées 45 mn durant la veille, pour un dernier footing suivi de quelques accélérations. Neuves, toniques, des crampons pile poil taillés pour le parcours glissant du lendemain : merci le team national Craft/Saucony qui vient de m’accueillir dans ses rangs et m’a envoyé deux paires de basket « trop mortelles », en attendant le reste de la dotation ! Et moi, et moi, et moi ? Même pas déstabilisé. Même pas jaloux. Mes petites Mizuno Harrier, déjà plus de 500 km au compteur et toutes crottées, feront largement l’affaire. Qu’importe le costume, pourvu qu’il y ait l’ivresse !

A part ça… on se ressemble presque

»  Parce qu’une flèche de son espèce n’est pas forte au point d’espérer pouvoir vivre un jour de ses foulées bondissantes (c’est ça le plus dingue, quand on voit tous ces footballeurs-glandeurs à côté…),  elle mène une existence quasi-normale. Un vrai boulot avec ses joies et ses peines, qui lui aspire pas mal d’énergie. Mais quand on est capable de s’envoyer 7 sorties par semaine dont certaines décapent carrément les boyaux, faut pas trop la ramener : c’est que le citron n’a pas été suffisamment pressé !

»  Qui pourrait supposer, en le regardant, que ce bipède presque aussi sec que les c… d’un pendu (rôôôôôôôô…), bien aidé par dix années de football,  pesait une douzaine de kilos supplémentaires il y a quelques années ? Rien d’étonnant : moi-même, j’en faisais neuf de plus lorsque j’arpentais les pelouses vertes, tout ça pour entendre beugler aux quatre coins du stade la même ritournelle : « Aux chiottes, l’arbitre ! »

»  Le meilleur est peut-être à venir : quand j’entends mon Geoffroy, le matin même du Trail Givré, me dire, l’œil luisant : « Vivement le retour ce soir à Montpellier : y’a une grosse raclette qui nous attend, j’en salive déjà… » Ahhhhhh… mais ce serait donc ça, un vrai champion : un sportif pétri de talent, mais qui sait rester épicurien et profiter des vrais plaisirs de la vie. Toi, t’es un bon : ne change rien !

> ZUT, C’EST VRAI QU’IL Y AVAIT AUSSI COMPETE

2014-Trail Givré Montanay 7Dimanche, j’ai voulu voir. Me frotter l’épine dorsale au gratin du gratin, rien que pour me faire une petite idée. Eh bien j’ai vu (de très loin), et j’ai surtout sacrément reçu… Oh le joli vent dans les voiles que je me suis pris ! Vous avez déjà senti le courant d’air provoqué par une porte qui se referme ? Eh bien c’est une tornade que je me suis pris. Et le Geoffroy, épatant 3ème derrière Renaud Jaillardon et Manu Meyssat. C’est-à-dire le top du top en France sur ce format de courses un brin vallonnées (405 D+ au GPS) et hyper rythmées (23 km tout rond), s’offrant même le luxe de décrocher sur la fin l’une des révélations de 2013, le ligérien Jérémy Pignard. Des p’tits gars capables de tourner en 30-31 minutes sur un 10 km route, puis d’être à la bagarre quelques semaines plus tard aux championnats d’Europe de course de montagne. Respect, les mecs.

Dimanche, ça se gagne en 1h21’43. Un vertigineux 16,9 km/h de moyenne. Sidérant,compte tenu du bourbier qui nous était servi sur un plateau. Un vrai champ de patates savamment arrosé des jours durant, qui a carrément contraint l’organisation à biseauter le parcours, estropié de deux montées-descentes jugées impraticables. Finalement, personne ne trouvera rien à redire aux petites routes et larges chemins intercalés avec les single tracks. Sinon je crois qu’on y serait encore.

2014-Trail Givré Montanay 8Difficile de qualifier ce parcours de “trail”, pour dire vrai. Le qualificatif me semble un brin usurpé malgré les définitions alambiquées décrétées par la fédé d’athlétisme. Course nature, cross version XXL… le Trail Givré est un joli mix des deux. Je crois que c’était ma 5ème participation en  10 ans. Incontestablement le parcours le plus sympa et varié emprunté. Et certainement ma course la plus aboutie. Enfin… je croyais. Jusqu’à l’arrivée. Et comme d’hab, c’est parti comme des brutasses à l’avant : tout plat, tout route, j’ai moi-même avalé le 1er kil à quasi 18 km/h en veillant à ne pas faire monter le cardio dans la zone rouge. Le plus dingue, c’est qu’’une bonne quarantaine d’azimutés m’avaient déjà semés !

Keep cool, petit Ben, y’a encore 22 bornes au menu, et un bel enchaînement de côtes aux 2/3 du parcours… Sage prudence, agrémentée de nombreuses figures de style improvisées le long de petits ruisseaux, autrement plus accueillants en d’autres saisons. Au final, seulement deux jeunes coureurs impétueux auront réussi à me doubler, dont un que j’ai recollé mètre après mètre jusqu’au sprint final, pour une fois… perdu. Je m’incline devant plus fort, et avec le sourire. Sur tout le reste du parcours, c’est bibi qui a joué les auto-tamponneuses, grignotant place après place, et ça j’adore.

2014-Trail Givré Montanay 9> ET PAN DANS LES DENTS !

A l’arrivée, une 21e place au scratch sur 800 inscrits. Sur le coup ? Franchement satisfait. Un sentiment de devoir accompli. Une belle gestion de course. Une bonne minute prise à mon poursuivant immédiat aux Foulées des Monts d’Or il y a deux semaines (soit un bonus de 45’’), un Yann Nourry (habitué des podiums dans la région) en panne d’essence manifeste aux 2/3 du parcours (1’30 dans la vue alors que je n’aperçois habituellement que ses talons au départ sur les trails). Tout ça malgré un manque évident de fraîcheur dans les montées : quatre jours consécutifs de course à pied sans jour de repos, because of chiropracteur, forcément ça se ressent. A peine eu le temps de me relâcher que l’organisateur en chef m’interpelait : « Bien vu ton pronostic Benoît, ton Geoffroy a fait le podium. » Purée, c’est bon ça, mais promis, j’y suis pour rien !

Jusqu’à la douche froide, cinglante. Virile mais correcte. Le petit truc qui t’aide à bien vite recouvrer tes esprits. Quelques mètres derrière la ligne, je retrouve un Geoffroy forcément tout sourire, pas peu fier d’étrenner de si belle manière les couleurs de son nouveau team. « Pour les prochaines manches du TTN, ça va être plus difficile de courir incognito. Mais si mes concurrents commencent à être méfiants, ce n’est pas pour me déplaire. »

Ah ce tempérament de gagnant : déjà projeté vers la suite. « Au fait Geoffroy, tu fais quel temps ? » « Attends… 1h22’’42 ». Ô peuchère… J’ai beau frotter mon chrono, le tourner, le retourner, il affiche 1h35’27. Toc-toc, mince y’a pas d’aiguille. « Tu te rends compte que tu m’as mis 12’45 sur 23 km ? » Sur le coup, je me demande si je dois rire jaune ou reconnaître l’évidence : y’a les vrais champions – autrement dit l’élite du trail français –, et  nous, les autres. Pas plus compliqué que cela. Est-ce que je les envie ? Ben non, même pas.

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Le plus important ? Ma course, j’en suis fier. J’ai passé un super moment. Le trip intégral à barboter dans la bonne bouillasse. Les autres, ils font bien comme ils veulent. Et curieusement, en attendant la remise des podiums, j’ai été “aimanté” par l’affluence sur un stand. Tiens, le brasseur local “Single Track”, spécialiste du “houblon de récupération” sportive, fait open-bar aujourd’hui.

Fallait voir les sourires communicatifs des coureurs encore tout cabossés ou fraîchement douchés, se délectant des fines bulles… Le sport, c’est justement bon parce qu’après un gros effort, on apprécie triplement “l’after”. N’est-ce pas Geoffroy ? J’espère qu’elle a été divine, ta “récupération-raclette” !2014-Trail Givré Montanay 11

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